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La société civile et l’union pour la Méditerranée.

Ce texte de l'écrivain Boualem Sansal a été écrit quelques jours avant la tenue du sommet de l'Union pour la Méditerranée, le 13 juillet à Paris. Son contenu n'en reste pas moins d'actualité. 

 

La société civile et l’union pour la Méditerranée.A J-5 du sommet de Paris des chefs d’Etats et de gouvernements autour du projet d’Union pour la Méditerranée, tout a été dit sur les lacunes de ce projet, ses contradictions, ses non-dits, ses visées secrètes.

On a évoqué le conflit israélo-palestinien, le cas de la Turquie, les réticences de certains pays de l’UE, dont l’Allemagne, on a rappelé l’échec du processus de Barcelone, et celui de l’Union du Maghreb, on a souligné la difficulté, voire l’impossibilité de faire travailler en commun des régimes démocratiques et des régimes qui ne le sont pas, on a aussi parlé d’émigration clandestine, de l’islamisme et du terrorisme, des rivalités qui opposent plusieurs pays du sud, on a évoqué les problèmes de financement, aujourd’hui très épineux.

En fait, on a ratissé large pour démontrer que le projet n’était pas viable, alors même que les analystes se sont tous rassemblés pour parler avec emphase de notre mer commune, de l’histoire partagée de ses peuples, de leur proximité culturelle et des échanges de toutes natures qui s’opèrent entre les deux rives.

Ceux qui s’intéressent au devenir de la région ont lu ces commentaires et sans doute ont-ils désespéré de voir jamais la Méditerranée devenir ce lac de paix et de fraternité dont ont rêvé des générations de poètes itinérants et dont les harragas aujourd’hui sont en quelque sorte les malheureux continuateurs.

Bref, si l’on en croit les analystes, le sommet de Paris est voué à l’échec. L’union méditerranéenne ne peut exister selon eux que si au préalable tous les problèmes évoqués plus haut sont réglés. On voit mal dans ces conditions idéales l’intérêt de nous syndiquer autour de problèmes déjà résolus.

Heureusement, pendant que les analystes nous démontrent l’inutilité ou l’impossibilité de l’union méditerranéenne, des femmes et des hommes de bonne volonté travaillent déjà sur le terrain, et depuis longtemps, à faire de cette union une réalité.

Il y a d’abord les hommes d’affaires qui sillonnent la Méditerranée pour tisser des liens de partenariat entre les entreprises des deux rives. Ceci est une réalité que chacun peut constater dans son pays. Une grande partie de la croissance observée dans nos pays est le résultat de ce partenariat économique.

Sur la rive sud, le Maroc et la Tunisie en sont la démonstration vivante. Ils ne sont plus seulement une destination touristique, ils sont de plus en plus une destination pour les investisseurs.

Il y a aussi les intellectuels qui se rencontrent dans les colloques, qui mènent des projets communs, qui enseignent ici et là. Il y a les écrivains qui multiplient les débats sur la culture, l’histoire, l’environnement.

Il y a les cinéastes, les peintres, les musiciens, les sportifs. Tout cela contribue à créer un climat de compréhension et de confiance qui sont la base de la paix.

Dans ce cadre, il m’a été donné de participer à plusieurs de ces rencontres et de constater que dans ces milieux on ne se perd pas à disserter sur la faisabilité ou la non faisabilité du projet de M. Sarkozy, on agit, au niveau où on se trouve, avec ses moyens propres.

Je voudrais à titre d’illustration citer deux manifestations qui méritent un grand coup de chapeau car elles constituent de magnifiques exemples de l’implication de la société civile dans le devenir de la Méditerranée.

Le premier est le festival des musiques sacrées de Fès qui s’est tenu du 6 au 14 juin. Une semaine durant, des troupes venant du monde entier et notamment du bassin méditerranéen, ont permis à des milliers de participants et de spectateurs de communier à des niveaux supérieurs de l’esprit et du cœur.

A Fès, le dialogue des civilisations a pris un contenu concret et magique, donc infiniment plus efficace que les discours des politiciens et les attendus des analystes. Le festival a été suivi d’un colloque sur le sacré où d’éminentes personnalités ont scruté les questions essentielles que la condition humaine pose à l’humanité.

Apprendre à se connaître est le premier pas en direction de l’union, et ce festival qui en est à sa quatorzième édition y contribue remarquablement. Il faut rendre hommage à ses organisateurs, ils ont su dépasser les a priori que les analystes savent dresser devant ces projets immenses et fédérateurs qui consistent à rassembler dans la paix et la joie tant de peuples et de cultures différents.

Le deuxième est le colloque organisé par Pax Médicalis, une association de professionnels de la santé de toutes confessions, de toutes nationalités qui œuvre à promouvoir des rencontres de personnes mues par une même volonté de paix.

Lors des 6ème rencontres, tenues à Nice, ce 29 juin, des écrivains israéliens juifs et arabes, palestiniens, français, marocains, irakiens, algériens, libanais, ont réfléchi ensemble au rôle de la littérature comme vecteur de paix en Méditerranée et pris la résolution d’œuvrer à la création d’une union des écrivains de la Méditerranée, dépassant les arguments que l’on invoque habituellement pour ridiculiser toute tentative d’union en Méditerranée.

Quelque que soit le résultat du sommet de Paris sur l’Union pour la Méditerranée, l’essentiel est que les bonnes volontés comme celles qui animent le festival de Fès et Pax Medicalis, continuent d’œuvrer comme elles le font depuis longtemps et que d’autres prennent exemple sur elles. La paix n’est pas que l’affaire des politiciens, elles est d’abord celle des peuples et de leurs élites en premier.

 

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