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Chronique: l’impact social de la crise économique. Boualem Sansal

Chronique: l’impact social de la crise économique. Boualem SansalDepuis l’été 2008, on parle sans arrêt de la crise financière et de plus en plus à mesure que ses terribles effets sur l’économie réelle se font sentir. Ce fut d’abord la faillite de dizaines de banques, les premières touchées car au cœur même du système financier qu’elles ont gravement dénaturé par leurs pratiques, puis celle de milliers d’entreprises, puis de secteurs entiers, l’automobile et le bâtiment, des secteurs lourds qui emploient des millions de personnes à travers le monde.

Maintenant on s’inquiète pour des secteurs qui semblaient ne pas être concernés, celui des télévisions, journaux, Internet qui voient plonger leurs recettes publicitaires. L’étape suivante concernera des régions entières et des pays qui verront leur économie s’effondrer comme un château de cartes. C’est déjà le cas pour l’Islande, premier pays officiellement déclaré en banqueroute mais il sera bientôt rejoint par d’autres, les pays mono exportateurs, les pays pétroliers comme l’Algérie.

Si la crise va au-delà de 2010, ces pays épuiseront leurs réserves de change et leurs économies s’arrêteront de tourner. La Chine, le Japon et l’Allemagne, dont les exportations sont pourtant diversifiées, connaîtront des difficultés considérables si la relance mondiale n’est pas au rendez-vous en 2010, car dans ces pays, l’exportation est le moteur de l’économie.

Ce scénario catastrophe a toutes les chances de se réaliser, il pourrait même être plus noir, si la panique s’empare de certains pays et qu’ils se mettent au protectionnisme, aux dévaluations compétitives, au dumping, aux restrictions.

Mais le plus inquiétant, dont on ne parle pas, pour une raison compréhensible qui est de ne pas ajouter au désarroi des acteurs économiques et des gouvernements, celui des citoyens, car alors le risque serait grand de voir la panique s’installer et tout casser en quelques semaines. En réduisant leurs consommations, en retirant massivement leur épargne du circuit bancaire, ils précipiteraient le système dans une spirale que personne ne pourra arrêter avant longtemps.

En 29, des bouleversements sociopolitiques considérables

Le plus inquiétant, disions-nous est l’impact de la crise économique sur les structures sociales et politiques. On ne peut pas croire qu’une telle crise, qui a déjà mis au chômage des millions de travailleurs dans le monde, et ce n’est q’un début, n’aura pas d’impact dans le champ social et politique.

En 29, la crise a provoqué des bouleversements sociopolitiques considérables, qui ont tout naturellement mené à l’explosion des courants fascistes et à la deuxième guerre mondiale.

Les plans de relance et la pédagogie mis en place par les grands pays industrialisés pour enrayer la crise et éviter la panique générale ne semblent pas produire les effets attendus. Les licenciements et les fermetures d’entreprises se multiplient et les bourses s’effondrent, les actifs côtés ont déjà perdu plus de 30% de leur valeur.

Le CAC40 français est passé de 4300 points à 2900 points en moins de 6 mois. Pendant ce temps, les mouvements sociaux prennent de l’ampleur. La grève générale de ce jeudi en France est le début d’une agitation qui va aller crescendo et gagner toute l’Europe. Dans certains pays, on commence à exiger le renvoi des travailleurs émigrés.

Lorsque par ailleurs on apprend que Wall Street vient de payer 18 M $ de bonus à ses cadres, alors que le gouvernement américain leur a versé des centaines de milliards $ pour les sauver de la faillite, lorsqu’on apprend que les compagnies pétrolières ont dégagé en 2008 des bénéfices historiques, faits sur le dos des consommateurs, lorsqu’on voit des entreprises licencier à tours de bras pour préserver les dividendes de leurs actionnaires, lorsqu’on voit des syndicats donner dans la surenchère, fragilisant le peu d’économie qui reste en vie, lorsqu’on voit nombre de gouvernements faire comme si la crise ne les concernait pas, on en conclue que la folie est en train de gagner.

Alors la question se pose : si les Etats et les syndicats ne sont pas en mesure de maîtriser la situation, quelle sera la suite logique de leur échec ?

Le scénario qui se jouera dans les années à venir sera sans doute différent de celui écrit par la crise de 29. La mondialisation a fondamentalement changé les concepts structurants  nos sociétés et les modes de gouvernance économique: la notion de nation n’a plus le même sens qu’au siècle passé, la capacité des gouvernements à intervenir dans la sphère économique s’est considérablement amenuisée.

Deux scénarii sont possibles…

Dans l’UE, ils n’ont aucun instrument entre les mains, ni la monnaie, ni les taux d’intérêt, ni le budget et la fiscalité qui sont encadrés par les critères de Maastricht. Ils n’ont pas non plus la capacité d’interdire les mouvements sociaux dès lors que ceux-ci s’inscrivent dans la loi.

Dans les pays non démocratiques, les Etats ont en main tous les moyens d’action, taux de change et d’intérêt, budget, fiscalité, en revanche, ils ne disposent pas de la légitimité pour construire des politiques consensuelles et les appliquer efficacement.

Dans les deux cas, les rapports de force sociopolitiques seront fortement exacerbés.

Deux scénarii sont possibles pour les années à venir : ou la communauté internationale, menée par l’ONU ou le G20 ou l’Amérique de B. Obama, arrive à enrayer la crise, en coordonnant les plans de relance nationaux et en engageant dès aujourd’hui une vraie réforme du système financier mondial, ou bien elle n’y arrive pas et le monde entrera dans une ère d’instabilité de longue durée qui annihilera tous les acquis sociaux et politiques de ces 50 dernières années. La récession s’accompagnera d’une régression sociale qui pourrait être fatale pour de très nombreux pays.

 

Les intertitres sont de la rédaction de Médiaterranée

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